Lettre ouverte à Monsieur LOMBARD, Ministre de l’Economie et des Finances

Lettre ouverte à Monsieur LOMBARD, Ministre de l’Economie et des Finances, pour une politique publique de la rénovation de l’habitat à la hauteur des enjeux

Monsieur le Ministre,

Alors que le Gouvernement s’apprête à annoncer ses premières orientations budgétaires, l’avenir de MaPrimeRénov’ “Parcours accompagné” est actuellement en suspens.

Pourtant, les besoins sont avérés. Le parc de logements privés vieillit et nécessite un réinvestissement massif du fait de son obsolescence technique, des exigences liées au changement climatique, aux enjeux de souveraineté énergétique et aux besoins d’une population fragile, qui vieillit elle aussi. 11 millions de logements privés sont occupés par des personnes de plus de 60 ans. Sur 3 millions de ménages vivant sous le seuil de pauvreté, 65% vivent dans le parc privé.

Le parc de logements indignes est estimé entre 400 000 et 600 000 résidences principales, et cette indignité progresse : 12% des logements privés souffraient de problèmes d’humidité en 2013 ; ils étaient plus de 16% en 2020. 16% des logements privés sont situés dans des copropriétés fragiles, soit 1,2 millions de logements. Plus de 13 millions de logements privés affichent une étiquette énergétique allant de E à G, dont une forte majorité de logements individuels. 2,9 millions de ménages du parc privé sont en situation de précarité énergétique (source Mémento de l’Habitat Privé 2019).

Le logement en général, et en son sein le parc privé, sont bien un enjeu de société.

Structures membres du Comité de pilotage national de France Rénov, nous vous interpellons, Monsieur le Ministre de l’Economie, sur les risques qui pèsent sur la politique publique de rénovation de l’habitat à court et moyen-terme.

Depuis début 2025, le nombre de dossiers déposés pour les projets de rénovation énergétique d’ampleur a triplé par rapport à l’année dernière. 78 % de ces dossiers portent sur des travaux de rénovation de passoires énergétiques. Plus de 80% des demandes d’aides à la rénovation énergétique proviennent de ménages modestes ou très modestes. Ces résultats sont le fruit d’années de travail accompli et partagé par l’Etat, les collectivités territoriales et l’écosystème de la rénovation en gestation, pour développer une politique publique et une filière économique durables.

Dans ce contexte, nous appelons votre attention sur le fait que seules les rénovations globales, traitant plusieurs postes, permettent des économies d’énergie durables, et donc d’alléger les factures énergétiques des ménages sur le long terme et de réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre. Une réforme brutale de ce dispositif freinerait l’atteinte de nos objectifs définis dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (dite SNBC).

Par ailleurs, cela toucherait d’abord les ménages en situation de précarité énergétique, 68% des bénéficiaires déclaraient qu’ils n’auraient pas réalisé de travaux sans MaPrimeRénov’2. Une réforme brutale de cette politique, ou de son financement, conduirait à l’abandon de leur projet par les ménages en situation de précarité énergétique et s’opposerait à nos objectifs environnementaux. D’ores et déjà, l’incompréhension, voire la colère, s’expriment auprès de nos équipes qui accueillent la population chaque jour sur le terrain. Face aux contestations montantes, il est devenu urgent de renforcer les outils et les dispositifs d’une transition plus juste et inclusive.

Aussi, il apparaît nécessaire de rétablir l’accès de MaPrimeRénov’ aux rénovations globales et performantes, avec des moyens, un accompagnement renforcé et une communication claire à destination des ménages.

Depuis 2022, France Rénov’ permet aux habitants de notre pays d’accéder à un service neutre, gratuit et local de conseil et d’accompagnement dans leurs projets de rénovation. En 2024, plus de 600 000 ménages ont été accueillis et conseillés par un Espace Conseil France Rénov’. 1 164 opérations programmées d’amélioration de l’habitat privé sont animées sur le territoire par nos structures, sous la maîtrise d’ouvrage et avec le concours des collectivités locales.

La suspension des aides et les menaces qui pèsent sur les conditions de reprise du service sont susceptibles d’avoir des conséquences en cascade sur les territoires.

Dans un contexte de comportements parfois peu scrupuleux, les propriétaires, notamment modestes ou très modestes, ont besoin du conseil de qualité que nous leur prodiguons. Nous nous attachons à orienter les ménages vers des acteurs de confiance et de bonne foi que nous connaissons et qui ont accru avec sérieux leurs investissements dans la filière. France Rénov’ doit demeurer cet acteur de référence pour protéger les ménages, et les fonds publics, de la fraude. Il en va de la crédibilité et de la confiance dans les pouvoirs publics.

D’autre part, elles mettent en péril une filière économique en cours de constitution, investie, qui comprend des structures d’accompagnement, opératrices historiques ou plus récentes, mais aussi les entreprises du bâtiment dont vous connaissez la situation et les enjeux en termes d’emploi et de développement des compétences.

Enfin, ce manque de stabilité de la politique publique de la rénovation interroge également les collectivités. Les pactes régionaux et territoriaux qu’elles signent, aux côtés de l’Etat, financent la rénovation de l’Habitat et viennent à peine d’être mis en oeuvre. Les collectivités sont liées à la politique de la rénovation énergétique nationale, puisqu’elles ont intégré dans ces schémas leurs visions et leurs stratégies territoriales de rénovation de l’habitat, et doivent être confortées.

Aussi, l’Etat se doit de donner de la visibilité à moyen et long-termes sur sa participation budgétaire au dispositif.

C’est pourquoi, Monsieur le Ministre, nous vous demandons :

  • De poursuivre la dynamique enclenchée sur le plan de l’investissement public en sécurisant un budget de 5 milliards d’euros à l’Anah pour MaPrimeRénov’ dans le cadre du PLF 2026 ;
  • De renforcer l’implantation du Service Public de la Rénovation de l’Habitat dans les territoires en augmentant sa part de financement à 80% ;
  • De communiquer massivement sur le Service Public comme le premier contact indispensable, pour éviter à des ménages d’être victimes de fraudes et conforter les collectivités dans leur engagement ;
  • De rétablir prioritairement l’accès de MaPrimeRénov’ aux rénovations globales et performantes, avec des moyens, un accompagnement renforcé et une communication claire à destination des ménages ;
  • De garantir une politique et un budget pluriannuels pour aboutir dans la structuration des filières métiers, renforcer la confiance des ménages dans le service public et sécuriser la dynamique engagée par les collectivités dans la politique publique de rénovation de l’habitat privé.

Et nous souhaitons pouvoir en discuter au plus vite avec vous, Monsieur le Ministre !

Signataires :

  • Nathalie BONNEVIDE, Présidente de l’ACAD, Association des Consultants en Aménagement et en Développement des Territoires
  • Maryse COMBRES, Présidente de la Fédération des Agences Locales de l’Énergie et du Climat
  • Stéphane DELAUTRETTE, Président de l’ANPP, Association Nationale des Pôles territoriaux et des Pays
  • Alexandre DURAND, Président de CITEMETRIE
  • Alice MORCRETTE, Présidente de SERAFIN, association des sociétés de tiers-financement
  • Delphine MUGNIER, Présidente du Réseau CLER
  • Emmanuelle PERNES, Présidente d’URBANIS
  • Florence PRESSON, Adjointe au Maire de Sceaux, Représentante de l’AMF au sein de du Conseil National de la Transition Écologique et du Comité de pilotage national de France Rénov’
  • Jérôme QUERE, Directeur du CDHAT, Président du réseau HATEO
  • Alain REGNIER, Président de la Fédération SOLIHA

Qui nous sommes

Nous sommes membres du Comité de pilotage France Rénov’, présents de longue date sur l’ensemble des territoires, associations nationales d’élu.e.s, têtes des réseaux d’Espaces Conseils France Rénov’, opérateurs de programmes de rénovation de l’habitat, sociétés de tiers-financement. Nous sommes le fer de lance des politiques publiques liées à l’habitat privé et pilotées par l’ANAH.

Nous jouons :

  • Un rôle économique de développeurs de la filière de la rénovation de l’habitat : nous contribuons au respect des règles et des bonnes pratiques dans la mise en relation d’une offre et d’une demande fortement dépendantes des subventions publiques.
  • Un rôle social d’accompagnement des ménages, notamment modestes et très modestes, vers un habitat de qualité et adapté aux besoins de notre siècle.
  • Un rôle de développement territorial, local et environnemental par notre expertise technique au service d’une politique publique efficace de rénovation du parc.
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